Le ruisseau des Trois Fontaines
A l'époque de Jeanne, le village de Domremy est partagé en deux par le ruisseau des Trois Fontaines, nommé ainsi parce que ce sont trois sources qui l'alimentent. Sur la rive droite, donc au sud, de ce petit cours d'eau se trouve le Barrois, et sur la rive gauche, donc côté nord, la Champagne.
Mais ce ruisseau, s'il sépare en deux l' " agglomération " pourrait-on dire de Domremy, sépare en fait deux localités bien différentes : d'un côté, Domremy, et de l'autre Greux ! donc ce que l'on nomme au cours du procès " Domremy de Greux " est en réalité un " faubourg " de Domremy, bâti sur le territoire de Greux...
Cette partie du village a par la suite été nommée " l'entre deux villes ", jusqu'à un échange de parcelles au XIXe qui a remédié à cette situation.
Mais la zone du village de Greux touchant Domremy se nomme encore de nos jours l'entre-deux-villes.
Et ce sont les seuls habitants de cette entité, Greux village et " l'entre deux villes " qui seront exemptés d'impôts par Charles VII.
La Champagne fait alors partie du domaine royal, et l'on se souvient que Jeanne partant secourir le " dauphin " Charles, va quérir l'assistance de Robert de Baudricourt, commandant de la place forte de Vaucouleurs pour la couronne.
Il faut bien noter toutefois que ces deux territoires, Barrois et Champagne, n'ont rien à voir avec la Lorraine, et on sait qu'il faudra à Jeanne un sauf-conduit pour se rendre à Nancy visiter le vieux Duc de Lorraine.
Un sauf-conduit médiéval
Le ruisseau dit " des Trois Fontaines " existe toujours, descendant des collines le long du chemin des Roises. Il disparaît sous terre au niveau de la route qui mène à la basilique du Bois Chenu, pour réapparaitre au droit du jardinet qui entoure la Maison " Natale ", laissant celle-ci sur sa gauche, pour disparaître de nouveau dans un conduit souterrain et se jeter dans un petit canal rejoignant la Meuse quelque trente mètres plus loin.
Donc la vérité est sauve, la Maison " Natale " se situe bien sur la rive gauche du petit cours d'eau, et Jeanne est donc bien " née " en Champagne, donc en France.
Mais qu'en était-il au moyen–âge ?
Le ruisseau avait alors un cours totalement différent de celui, créé de toutes pièces, qu'il a aujourd'hui. Il descendait bien des collines, mais poursuivait son cours quasiment en ligne droite vers la Meuse, sans bifurquer comme maintenant à angle droit pour aller vers l'amont du fleuve. ( Le cours souterrain est réalisé en buses de béton ).
On peut encore retrouver sa trace au lieu-dit la Tuilerie, près du chemin des Roises, puis dans l'arrière-cour d'une maison d'habitation de la rue principale du village, et enfin dans le " Chemin de Santille ", où son ancien lit traverse une pâture pour se jeter dans la Meuse vers l'aval.
L'instituteur de Domremy écrit en 1886 une lettre rédigée de concert avec le Maire et le Curé du lieu, ainsi qu'avec certains notables:
Vraisemblablement des " Mythographes ", ces habitants de Domremy ! mais nous avons recherché sur place les traces de ce ruisseau, pour bien sûr constater que tout est conforme à la description qu'en ont faite ces braves gens...
Sur le plan ci-dessus, tiré de l'ouvrage de l'Abbé Mourot " La Nationalité de Jeanne d'Arc ", on voit surligné en vert le nouveau cours du ruisseau, et en jaune le cours originel.
De plus, dans son ouvrage intitulé "Jeanne d'Arc est-elle Lorraine", Henri Lepage fournit en 1856 le plan ci-dessous:
On voit que le ruisseau sert de limite territoriale entre le Barrois et la Champagne !
Nous avons transposé les deux cours du ruisseau de l'illustration précédente sur une vue satellite tirée de Google Earth. On aperçoit en rouge le cours médiéval du ruisseau, et en bleu le cours actuel. La partie en pointillés représente la partie souterraine du cours d'eau
Citons également Ch. Petit-Dutaillis dans son ouvrage " Une question de frontière au XVe siècle, le pays d'origine de Jeanne d'Arc " :
La limite entre le Domrémy champenois et le Domrémy barrois était formée, ainsi qu'il résulte de deux actes de 1334 et de 1460, par « ung petit ruiceau sur lequel a une grosse pierre plate », le ruisseau des Trois-Fontaines. La maison de Jeanne d'Arc est aujourd'hui au nord de ce ruisseau, qui coule dans le jardin même de la célèbre demeure. Mais il n'en était pas ainsi autrefois. Un plan de 1722 et des témoignages oraux que confirme l'inspection des lieux prouvent qu'autrefois ce ruisseau coulait à plus de deux cents mètres au nord de son lit actuel, et laissait par conséquent la maison de la famille d'Arc dans le Barrois mouvant.
Mais c'est ce cours historique qui pose problème
à nos érudits ; en effet, lorsqu'on le suit, on s'aperçoit que la
fameuse "Maison Natale" se trouve alors sur la rive droite, donc dans
le Barrois, et par là même en contradiction avec l' "Histoire officielle".
De deux choses l'une, ou bien la maison " natale " n'est pas celle que l'on montre aux touristes, ou bien le ruisseau n'est pas le bon !
Mais comme le ruisseau a laissé des traces incontestables de son cours ancien depuis les collines jusqu'à la Meuse, et qu'on sait que ce sont des travaux entrepris en 1767 qui ont la première fois modifié son cours, c'est donc que l'emplacement de la maison est erroné ! et si l'emplacement est faux, la maison l'est aussi a fortiori…
En 1767, lors de la création de la route ( en fait l'actuelle rue principale du village ), on a voulu éviter la création d'un ouvrage d'art pour le franchissement du ruisseau. Son cours a alors été détourné pour précisément suivre la grande rue dans un fossé empierré qui allait rejoindre la Meuse. De récents travaux d'aménagement de cette partie du village ont laissé apparaître cet ancien lit, au niveau de la rue de l'Isle et de l'église...
Il est à noter que par une loi physique admise depuis bien longtemps, l'eau s'écoule toujours vers le bas, et que de la même façon les ruisseaux coulent vers l'aval... Mais à Domremy la Pucelle, on assiste à un phénomène d'essence divine, d'un cours d'eau qui remonterait vers l'amont de la Meuse.
Nous employons d'ailleurs là abusivement le mot " couler ", puisque ce ruisseau est asséché depuis bientôt 2 ans...
La maison de l'enfance de Jeanne se situe donc sur la rive gauche du ruisseau, en la Champagne d'alors, comme le Château de l'Isle d'ailleurs, et on peut alors raisonnablement envisager qu'elle se trouve actuellement encore sur la rue principale de Domremy, au bord du cours d'eau primitif !
Il existe à cet endroit une belle maison ancienne, bien sûr maintes fois rénovée, mais située exactement à l'endroit " historique " de la maison de Jeanne, dont bon nombre d'écrivains orthodoxes s'accordent à écrire qu'elle était "la première de France", c'est-à-dire la première qu'on rencontrait sitôt franchi le pont, ou plutôt la passerelle formée d'une grosse pierre plate.
Et d'autant plus que l'actuel propriétaire de cette bâtisse, en effectuant des travaux d'aménagement aux abords de la construction, ( devant laquelle coulait le ruisseau des Trois Fontaines au Moyen-âge ) , a eu la surprise de mettre au jour... une très longue pierre plate, de forme rectangulaire, qui a dû servir à l'époque médiévale de point de passage entre les deux Domremy, ainsi que deux bornes, devant marquer les limites territoriales de la Champagne et du Barrois...
A gauche, la grosse pierre plate (environ 2m sur 1m, poids estimé de 1 000 kg) ayant servi de passerelle, retrouvée à l'emplacement du passage du ruisseau des 3 Fontaines, et à droite une borne marquant la limite du Barrois et de la Champagne
Deux vues de la rue principale de Domremy, qui était traversée par le ruisseau des 3 Fontaines au moyen-âge. On peut y apercevoir la maison devant laquelle passait le cours d'eau.
On trouve dans certains villages des alentours de Domremy ( ou dans d'autres régions d'ailleurs ) ce même type de pont fait d'une ou plusieurs grosses pierres plates...
Ainsi ici, devant le château de Goussaincourt.
Ou bien là devant une chapelle templière en Bretagne
De plus, Jeanne lors de son interrogatoire, précise bien qu'elle est originaire du village de Domremy de… Greux !
Qu'elle se rendait à l'église de Greux !
Qu'elle avait l'habitude de prier à l'ermitage de Bermont, situé sur la commune de Greux !
N'en déplaise à ceux qui pourfendent les " mythographes ", les faits sont là !
Le fameux Ruisseau des Trois Fontaines, qui fixait les limites territoriales du Domremy barrois et du Domremy de Greux champenois traversait bien ce qui est maintenant la rue principale, ainsi que la cour d'une grosse maison, pour aller se jeter ensuite dans la Meuse. Il a laissé des traces évidentes, que chacun peut aller vérifier !
Ces vestiges à eux seuls remettent en cause la version officielle...
Un de nos lecteurs nous fait d'ailleurs remarquer que le passage d'une région à une autre était matérialisé sur le terrain, par une porte, ou un pont. Le voyageur qui passait d'un territoire à l'autre devait acquitter diverses taxes . Et l'on doit se souvenir que Jacques d'Arc exerçait à cet endroit de hautes fonctions administratives, dont celle de percepteur...
De nos jours, on joue sur la signification des mots...
On fait de Jacques d'Arc un paysan, parce que fermier ! mais dans le vocabulaire du Moyen-âge, un fermier n'est précisément pas un agriculteur, mais un percepteur de taxes !
Selon le Littré : " Fermier, celui à qui le souverain afferme le droit de lever certains impôts ".
La maison où vivait la Pucelle devait constituer une sorte de bâtiment de " douane ", ou plutôt d'octroi, dans lequel les colporteurs et autres camelots devaient régler leur droit de passage, le tonlieu.
Le tonlieu, selon le CNRTL :
DR. FÉOD. ( Droit de ) tonlieu. Taxe frappant les marchands pour le passage ou l'entrée de leurs marchandises en divers endroits ( ponts, villes, etc. ) ainsi que pour les places occupées sur les marchés et dans les foires. Les péages furent déplacés, notamment à Voillecomte (...) où le comte de Champagne devait percevoir un tonlieu (L'Hist. et ses méth., 1961, p. 696).
Prononc. et Orth.: [tɔ ̃ljø]. Att. ds Ac. dep. 1762. Étymol. et Hist. 1. Ca 1150 « bureau de perception des droits de péage » (Wace, St Nicolas, éd. E. Ronsjö, 675: Al tolneu, la u il changat); 2. 1159 « impôt sur les marchandises transportées, droit de péage » tonliu ( Diplôme royal ds Du Cange, s.v. telon, tonlium ); ca 1200 ( Jean Bodel, Saisnes, éd. F. Menzel et E. Stengel, 560: Se li devons chevage costume ne tonliu). Du b. lat. teloneum ( gr. tardif τ ε λ ω ́ ν ι ο ν « bureau de publicain » iies., Pollux, grammairien ) « bureau de percepteur d'impôt » ( déb. iiies., Tertullien ), « taxe sur le transport et la vente des marchandises » ( vies., Cassiodore ds Blaise Lat. chrét .), devenu toloneum ( ixes. Appendix Probi: telonium non tolonium ds Meyer, p. 1 ) par assimilation.
Un pont étant en général constitué d'une arche, c'est vraisemblablement là l'origine du nom de famille de Jacques d'Arc... On aurait pu l'appeler Du Pont !
Les colporteurs et autres camelots médièvaux arrivant dans le village devaient pour sûr s'enquérir du point de passage vers la Champagne, et demander le " d'arche ", l'homme du pont...
Ce qui a donné son " cognomen " au personnage !
Il est à noter que les " fils d'Arc " ne seront plus quant à eux affublés de ce sobriquet, puisqu'ils quittent le village, et surtout la fonction de gardien de pont. Mais reprennent le nom réel de la famille, à savoir d'Ailly, Dalis, ou Dulis...
Dernière nouvelle: Olivier Bouzy, un des fondamentalistes de l'histoire johannique, grand pourfendeur de mythographes, écrit dans un récent ouvrage intitulé
" de Domremy à Tokyo, Jeanne d'Arc et la Lorraine ", ( Catherine Guyon, Magali Delavenne - Editions Universitaires de Lorraine )
"Or le nom d'Arc n'est pas excessivement rare ; c'est un nom de lieu qui désigne un pont, et les d'Arc sont donc des Du Pont..."
Il ne lui aura fallu qu'une dizaine d'années pour admettre notre version...
La maison " natale " est une contrevérité historique...
Mais nos bons historiens n'en sont pas à une imposture près ! il est à noter qu'à la suite de la première parution de notre article, quelque " érudit" de Greux ( d'obédience intégriste-traditionaliste-Civitas il est vrai ! ) ... a décrété qu'il coulait à Domremy deux ruisseaux...
Le ruisseau des Trois Fontaines à son emplacement actuel, et le ruisseau dont nous avons retrouvé la trace, qui se serait appelé le " ruisseau des Fontenottes "...
Malheureusement pour cette thèse, la carte des Naudin ne fait apparaitre qu'un seul cours d'eau !
La carte des Naudin.
Pendant plus de dix années, de 1728 à 1739, une équipe d’ingénieurs géographes appartenant à l’atelier versaillais des Naudin, parcourut la Lorraine, c’est-à-dire non seulement les Trois-Evêchés (Metz, Toul et Verdun), qui relevaient pleinement du Royaume de France depuis les traités de Munster ( 1648 ), mais également les duchés de Lorraine et de Bar et les territoires voisins du Palatinat, des Deux-Ponts, du Luxembourg…
Quinze de ces cartes monumentales qui représentent chacune, à l’échelle restituée de 1/28 800, de 3500 à 5000 kilomètres carrés d’une vaste région s’étendant de la Hesbaye et du Brabant, alors autrichien, jusqu’au Bassigny et aux contreforts des Vosges, constituent la première image de l’ensemble des territoires qui forment aujourd’hui la Région Lorraine.
Nous avons là une topographie détaillée des campagnes lorraines, le plan de tous les bourgs et villages, avec l’église et le château, les prairies, les bois, les marais, l’étendue des vignobles sur les coteaux exposés, les routes et les chemins avec leurs ponts de pierre ou de bois, avec les justices, les croix de carrefours…
Une information strictement militaire mentionne l’emplacement des fortifications, inondations, redoutes, tranchées et autres circonvallations opposées à l’intrusion des ennemis sur les frontières de la Meuse, du Luxembourg et de la Sarre.
L’information rassemblée est précieuse pour les historiens et les archéologues qui disposent avec ces documents, en dépit de graves défauts en matière d’exactitude géométrique, d’une image très précise des paysages et de la géographie lorraine près d’un siècle avant les premiers cadastres napoléoniens ou la carte de l’Etat-major.