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Château de BourlémontLes secrets de Jeanne - De Domremy à Chinon

Le château de l'Isle

A Domremy se dressait à l'époque de Jeanne la forteresse nommée le château de l'Isle ; ce château existait déjà dans la première moitié du XIIe siècle [Georges Poull : Le château et les seigneurs de Bourlémont, 1962]. Il faisait partie, tout comme les châteaux de Rorthey, Montbras, et Brixey, du même système de défense.

La carte des Naudins représentant Domremy et Greux

La carte des Naudins représentant Domremy et Greux

La résidence des d' " Arc "...

Nous évoquons ce château sur notre site parce qu'à partir de 1420, c'est la famille dite d'Arc qui va l'habiter... En effet, plusieurs chercheurs ont retrouvé le bail conclu entre les propriétaires de la forteresse, les seigneurs de Bourlémont, et deux locataires, dont un n'est autre que Jacques (Jacobus) d'Arc.

Origine : Trésor des chartes de Lorraine aux archives de Meurthe-et-Moselle. Layette Ruppes 2, n° 28 ( vidimus sur parchemin )
2 Avril 1420 : bail à ferme, pour 9 ans, de la maison forte de Domremy et ses dépendances, passé à Jean Bigot, Jacob d'Arc et consors, par Aubry dit Jannel, maire des seigneurs de Bourlémont, moyennant la somme annuelle de 14 livres tournois, et en outre trois imaux de blé pour chaque jour de terre, payables auxdits seigneurs.

Nous officiaulz de la court de Toul, faisons savoir et cognissant à tous ceulx qui ces presentes lettres verront et orront, que ad ce et pour ce en leurs propres personnes esta blirent en la presence de nostre amey et fiable Richart Oudinot de Marcey soubz Brixey clerc notaire juré pourtant nostre povoir en cest partie et auquel nous avons, adjoutons, avoir et adjouter voulons, foy et creance plainière es choses cy après escriptes et en plux grant, ad ce pour ce personnellement establirent Jehan Biget de Dompremi et Jacob d'Arc ambedeux principaulz conjunctement ensemble Jacquemin filz dudit Jacob d'Arc, Mathiot filz Poirel, Girardin d'Espinalz, Joffrois filz la Heu de Frebecourt et Jehan Billequart, tuit demore audit Dompremi et à Grex, en diocese de Toul, eulx dessusdis, tant comme pleuge et principal rendours presens, recepvant en eulx aggreablement prenant, ont recongnu et confessey, et par la tenours de cez presentes congnoissent et confessent de leurs plain grey et voluntey, sans force, sans contraintte ou seducion quelconques, maix de leurs pure et meheure deliberacion surs ce heue, congnoiscent et confessent eulx avoir convencions et pactent que s'enseugnent, c'est assavoir que Aubrit dit Jannel dudit Dompremi, maiour pour et es nons des signours de Bourlainmont, dudit Dompremi et de Grex en partie, il portant le povoir desdis signours pour le present, at laissez, concedey et octroiez l'amodiacion et ferme de la fourteresse dudit Dompremi et lez appartenances d'icellez, c'est assavoir de la demorance de la dicte fourteresse, du meix, du jardin, de tous les prés dont on lour doit rendre, soiez et fener, c'est assavoir le prey condit lez porcher. Item doient tenir tous les heritaigez, toutes lez crouéez appartenantes à la dicte maison fourteresse dudit Dompremi, tant on bamp dudit comme de la dicte Grex, auz quelz admodiours de cest ferme les prodons des dictes villez doient faire telle droiture comme on doit faire en la crouée des Tillez et non aultre part. Lequel tiltre, admodiacion ou ferme, est laixiez par ledit Aubrit Jannel aus dessudis pour l'espace de neuf annéez durant, commensant à la saint Jehan Baptiste l'an mil quatre cent et dix neuf, continuant et enseuyant et fenissant au debout des dictes années par ainsit que lez dessudis principaulz debtours et pleugez et principaulz rondours en paieront, renderont et delivreront pour chacun au ausdis signours de Bourlainmont, de Dompremi et de Grex en partie, la somme de quartorzez libvres tournois, xij gros viez monoie pour chacune livre, ou telle monoie comme on doit ausdis signours à lours rentes et sencez audit leut de Dompremi et Grex, au jour de festo de la Nativitey Nostre-Dame nomméement. Item doient paier et rendre ans dessudis signoura ou à leurs certain commandement pour chacun jours de terrez qu'ilz tanront et possederont lesdictes neuf années durant, pour chacun jour de terre, trois ymaulz de bleid tel bleid comme surs lesdictes crouéez et terrez vanront. Lez quez dessudis Jehan Biget et Jacob d'Arc doient maintenir et retenir à lours proprez fraix missions tous lez toix de la forteresse et toutes aultres choses excepté que de force, en tel estat comme les dis Signours leur ont delivrez. Item doient aproieir toutes les escrues du prey condit au Tremple, et doient rendre toutes les crouéez et heritaigez en saison de bonne labours et bien cloure le jardin si comme en tel cas appartient. Lez quellez grainnez dessudictes se doient paier, rendre et delivrer auz dessudis signours ou leur certain commandement au jour de feste Saint Martin d'yver ensuyant après la dicte Nativité Nostre-Dame nomméement sans aulcune chose retenir ny excepter. Et pour ses choses dessudictes jusque à l'accomplissement sattiffacion et restitucion des dessudictes xiiij lires et grainnez, les dessudis admodiours de cest prosentes admodiacion, laquelle est estéez encheute aux dessudiz Jacob d'Arc et à Jehan Bigot comme au plux offrant tant comme principaulz debtours, et lez aultres apres escript, pleugez et principaulz rendours en ont obligez et obligent par ces presentes es mains desdis signours de Bourlainmont, de Dompremi et de Grex ou de ceulx ayans cause d'iceulx tous entierement ce qu'ilz peullent et doient avoir es bamps et finaigez dez dictes villes de Dompremi et de Grex et aultre part, c'est assavoir leurs maison, maisieires, terres, pres, chanevières, meix et jardin. Prometant par la fois de leurs corps et ung chascuns d'eulx pour le tout donné corporellement en leut de sairement en la main dudit Richart Oudinot clerc notaire juré de nostre dicte court de Toul, de tenir toutes lez choses dessudictes fermez et estaiblez sans violler, enfraindre ne quasser, venir ne aler ne souffrir à aler au contraire en appert ny en recoy, directement ou indirectement , sur l'obligacion de tous lour biens moblez et non moblez presens et futur, lez quelz biens ou partie d'iceulx les dessudis signours ou leurs officiers lez pourroient panre ou faire panre, vendre, distribuer et aliener sans aulcuns reclains de justice pour chacun termez qu'ilz deffaulroient de paieir la dicte somme des xiiij livres pour chacun an, de an en an, et de terme en termez, ensemble les dictes grainnes, jusque à entière et plainne solucion des dictes livres et grainnez sans aulcuns moyens. Et ont renunciés et renuncent les dessudis debtours en nom que dessus, par leurs dictes fois surs lez choses dessudictes à l'ignorance de fait et de droit, aus exceptions de cest dicte admodiacion non mie ainsit fait, de fraude, de barat, de malice, de lesion, de circonvencion, de decepcion oultre la moitie du droit poix, au benefice de restitucion et generalment à toutes et singulierez exception, decepcion, allegadon de fait, de droit escript et non escript, canon ou civil, meisment au droit general renunciacion niant valloir, et veullent et ottroient les dessusdis que nous attenir et faire tenir fermez et estaiblez lez contraindres et faciens contraindre par sentance d'excommuniement en leut qu'ilz soient, en submetant quant ad ce eulx, tous lours biens des sudis en la juridicion et contraincte de nostre dicte court de Toul, en tout et par tout comme chose congnehue et adjugie. En temoignaige de veritey et pour ce que ce soient choses fermez et estaibles, nous officiers dessudis, à la prière et requeste desdis signours de Dompremi et Grex, par la fiable relacion de nostre dessudit notaire juré à nos faite, avons nous fait mettre le seel de nostre dicte court de Toul en cez presentes lettrez, qui furent faittes l'an de grace nostre Signour mil quatre cent et vingtz, le second jour du moix d'avril, presens Jehan Rainnesson, messire Jacque Flamein curé de Moncel, Jaquemin de Roisez et Jehan Covillairt demorant à Grex, tesmoings ad ce appeliez et requis. Signé : ... Marceyo. - Ita est concessum coram me, notario et testibus predictis.

L'hypothèse de G.Poull

Au milieu des années quatre-vingt-dix, son ouvrage sur « la Maison Souveraine et ducale de Bar » avait été salué par tous les spécialistes, comme étant une pièce importante, versée à la connaissance du passé. Michel Parisse, professeur d’histoire médiévale à la Sorbonne, en avait d’ailleurs signé la préface. Auteur d’une vingtaine de livres, Georges Poull faisait figure de référence, dans le monde des historiens régionaux. Le lauréat des Inscriptions et Belles Lettres, Prix Erkmann-Chatrian, Membre de l’Académie Stanislas et de la Société des Gens de Lettres, vient de nous quitter à l’âge de 87 ans. L’ancien directeur de filature résidait à Rupt-sur-Moselle, au pied de ce massif vosgien qu’il aimait tant. Homme de grande culture, connu pour sa rigueur et son enthousiasme à remonter le fil de l’Histoire et à en démêler l’écheveau, Georges Poull était une figure du monde l’édition en Lorraine.

Georges Poull dans son ouvrage " LE CHATEAU ET LES SEIGNEURS DE BOURLEMONT " situe le château de l'Isle dans un endroit nommé Notroppe (ou Nautroppe), sur la rive droite de la Meuse, c'est-à-dire en face de l'actuel village de Domremy. Dans son ouvrage, il produit un plan qui figurerait le château dans son environnement, plan dessiné sur l'ordre de Jacques de St Blaise par les arpenteurs jurés du baillage de Chaumont en 1562. ( voir en fin d'article ).

ouvrage G.Poull

Les deux tomes de l'étude de G. Poull.

Dans le premier tome de cette étude on peut trouver la copie d'un plan rédigé en 1562 par des arpenteurs-jurés, donc par des professionnels correspondant de nos jours à des géomètres-experts, dont nous fournissons ci-dessous une copie :

plan chateau

Et pour permettre à nos lecteurs de se situer, voici ci-après la photo aérienne du même secteur ( tirée de Google Earth ) :

vue aérienne nottrope

Ce document appelle quelques remarques :

- Le plan est particulièrement sommaire, omettant en particulier la Meuse, pourtant assez large à cet endroit !

- Le fleuve n'est représenté que par un simple trait, figurant sa rive.

- La Meuse décrit en fait une sorte de cercle, sans arrivée ni départ….

- Il n'y a aucun respect de l'échelle : la chapelle est démesurée par rapport au donjon, qui est pourtant décrit comme un gros bâtiment.

- La porte du château donne directement sur le fleuve... 

- La vue aérienne ne correspond guère au dessin des lieux ! des lecteurs nous font remarquer qu'un cours d'eau n'est pas fixe, et que donc le lit de la Meuse a pu fluctuer depuis le Moyen-âge... Certes, mais les " ouvrages d"art ", gué empierré et vestiges des piles de pont, sont fixes bien sûr, ce qui nous donne un repère évident quant au tracé du cours du fleuve.

Ce qui fait qu' il subsiste un doute sérieux quant à l'emplacement réel de cet ouvrage ! De plus :

- Le pré de Notroppe ne laisse apercevoir aucun vestige.

- Un étang creusé il y a quelques années à l'emplacement supposé du château n'a permis de mettre à jour ni vestige, ni mobilier médiéval.

- Ce secteur est inondable, encore de nos jours, malgré le pont actuel qui forme en amont une retenue pour les eaux lors de grosses pluies. Ce qui paraît interdire une quelconque construction à cet endroit, car il aurait été impossible de mener un tel chantier avec de multiples inondations annuelles ; de même, il ne parait guère judicieux d'installer une habitation et des espaces de stockage de grain les pieds dans l'eau.

inondations vallée de la Meuse

A Domremy, la vallée de la Meuse sous les eaux à l'emplacement présumé du château.

- La Meuse ne forme à cet endroit aucun moyen de défense naturel. Au contraire le cours d'eau est franchissable aisément à pied, ( on y a retrouvé un gué empierré ), et un pont se trouvait à proximité immédiate. Ce pont, constitué d'un tablier de bois sur des piles en pierres, a bien sûr été depuis détruit, pour laisser place à un ouvrage plus moderne, situé une centaine de mètres plus en amont !

pont Rollainville

Rollainville : un pont doublé d'un gué non loin de Domremy...

- On ne retrouve dans la prairie concernée aucune trace des " profonds fossés " qui auraient entouré la construction !

- Lors de l'invasion du village, en 1428, les habitants devront se réfugier à Neufchâteau ; donc franchir le pont sur la Meuse pour prendre la route de la ville, et ainsi passer devant le château sans s'y réfugier comme à leur habitude ! ce fait curieux n'est relevé par aucun historien… Bizarre !

- Lors de son passage à Domremy en 1580, le fameux Michel de Montaigne visite la maison de la Pucelle, sans remarquer le château qui aurait dû pourtant se trouver à proximité immédiate...

Michel de Montaigne, qui a visité Domremy

Michel de Montaigne

" 13 septembre 1580 : Donremy, sur Meuse, à trois lieues dudit Vaucouleur, d'où estoit natifve cette fameuse pucelle d'Orléans, qui se nommoit Jane d'Arcq ou Dullis. Ses descendants furent annoblis par faveur du roi ; et nous monstrarent les armes que le roi leur donna, qui sont d'azur à un'espée droite couronnée et poignée d'or, et deux fleurs de lis d'or au costé de ladite espée ; dequoy un receveur de Vaucouleur donna un escusson peint à M. de Caselis. Le devant de la maisonnette où elle naquit est toute peinte de ses gestes ; mais l'age en a fort corrompu la peinture. Il y a aussi un arbre le long d'une vigne qu'on nomme l'Arbre de la Pucelle, qui n'a nulle autre chose à remarquer ".

- Dernier point litigieux, et non des moindres, la dénomination même de l'ouvrage : au moyen-âge, le vocable " isle " n'a aucune connotation d'emplacement entouré d'eau, comme actuellement. C'est la racine latine " insula " qui désignait en particulier les quartiers de Rome, et qui a donné le vocable " îlot " (pâté de maison) que l'on retrouve ici. Cette insula a donné le mot italien " isola ", qui donne le français  " isolé ". L'isle médiévale est donc un endroit isolé, et non une île au sens actuel du terme.

Abandonnons donc cette première hypothèse.

Le château avant le pont ?

On peut alors, comme quelques rares villageois de Domremy, envisager une autre implantation, sur la rive gauche de la Meuse, en amont du pont actuel, et après la petite retenue des eaux de la rivière.

A cet endroit existe effectivement un cours d'eau secondaire, en fait le bief d'un ancien moulin, qui délimite un espace de terre assez important, en fait un peu moins de 3 hectares, qui aurait pu contenir la forteresse.
Néanmoins, la plupart des remarques précédentes sont toujours valables. Le secteur est inondable, il n'y a pas de ruines, de tertre quelconque (motte) ayant pu recevoir une construction hors d'eau.

Et la remarque concernant le passage de Michel de Montaigne vaut d'autant plus que ce dernier se serait trouvé à moins de cent mètres et en vue directe du château... sans le voir !

Il n'est donc pas possible de retenir non plus cette hypothèse...

L'hypothèse du moulin

On trouve sur internet, sous la plume de "Fred Bechet", grand pourfendeur de mythographes par ailleurs, une enquête sur ce même château de l'Isle, dans laquelle l'auteur arrive à la conclusion que cette forteresse n'était rien moins que le moulin de Domremy!
Passons sur la démonstration oiseuse qui l'amène à cette conclusion, signalons simplement que le site du moulin se trouve dans le Barrois et non en Champagne, qu'il nous parait impossible de confondre, même pour un non initié à l'architecture médiévale, un moulin et un château, et argument décisif, que le bail de location ne fait en aucun cas mention d'un moulin !
Par ailleurs, il nous parait guère plausible que le moulin ait servi à moudre du blé... Domremy était à l'époque un village où l'on produisait du chanvre, fibre qui nécessite d'être rouie puis broyée avant d'être tissée et servir à la fabrication d'étoffe.

Le château sur la colline :

En revanche, on retrouve sur les hauteurs de l'actuel village, au lieu dit " le chenoy ", un site particulièrement adapté à la construction d'une forteresse. En bordure d'un plateau calcaire, à 312 mètres d'altitude, et à près de 50 mètres de dénivelé par rapport au village, subsistent les traces d'un habitat ancien, dont certains professionnels de l'archéologie s'accordent à reconnaitre le caractère médiéval…

ruines murs murs ruines murs

Des restes des murailles à proximité du village.

Ces vestiges forment les deux côtés d'un quadrilatère de plus de 50 mètres de long, et dans la pâture qui jouxte, on devine en lumière rasante un long mur, l'emplacement de tours extérieures, et contre ce mur, mais à l'intérieur, un bâtiment semi-circulaire de bonne taille. Ne serait-ce point la chapelle qu'évoque Poull sur son plan ?

La vue prise sur l'emplacement du rempart ouest :

Les traces dans le pré

Ci-dessus, on aperçoit distinctement, en lumière rasante, les traces d'un long mur auquel viennent s'adosser diverses constructions, en particulier le bâtiment semi- circulaire qui peut être la chapelle des sires de Bourlémont.

Schéma sommaire des ruines retrouvées sur le site du château

Ci-dessus, le plan ( sommaire ) supposé du château, établi grâce aux relevés faits sur le terrain ; la photo précédente est prise par un opérateur se tenant sur le côté nord du donjon ! Le mur côté est suit la cassure du terrain qui descend vers la vallée

Comme suite à l'intérêt manifesté par nos lecteurs, nous apportons quelques précisions supplémentaires !

Pour permettre à tout un chacun de situer aisément les trois sites évoqués ci-dessus, nous proposons une vue aérienne du village sur laquelle nous avons fait figurer :

En 1, l'emplacement traditionnel du château. ( selon G. Poull )
En 2, l'autre hypothèse, situant le château avant l' actuel pont.
En 3, notre hypothèse, qui soulignons-le, situe le château sur le territoire ( médiéval ) de " Domremy de Greux ", en territoire champenois, donc sur les terres dépendant de la Couronne.

Vue aérienne de Domremy montrant les emplacements possibles du château

L'essai de Monio...

Notre ami Monio, webmestre d'un site polonais dédié en partie à la geste johannique, a tenté un essai de reconstitution ( graphique ) du château de l'Isle.
Nous vous en soumettons ci-après une vue...

L'hypothèse du " Laboureur ".

Un de nos lecteurs nous soumet une hypothèse originale, en situant le château de l'Ile à Montbras, à environ 300m de l'actuel château...
Une forteresse ayant appartenu aux Bourlémont a effectivement existé à cet endroit au Moyen-âge. Mais à la suite d'un partage opéré entre 1420 et 1430 semble-t-il, la seigneurie de Montbras est dévolue à Pierre de Joinville.
La forteresse portait d'ailleurs le nom de l'Isle en Bray, ce qui explique la confusion avec le château de l'Isle. Ce château a dû disparaitre au cours du XVIIIe siècle. ( Source : le château et les seigneurs de Bourlémont, Georges Poull, 1964 ).

Lors de fouilles opérées vers 1880 par le propriétaire de l'actuel château, Monsieur de Chanteau, il a été découvert des " substructions anciennes assez importantes à 200m environ sur les bords même du canal de la Roche..."
(Lire en ligne : notice historique et archéologique sur le château de Montbras ).

Les investigations d'Albert Fagioli

Désireux d'en découvrir davantage sur les ruines qu'on retrouve sur les hauteurs de Domremy, nous avons fait appel à un radiesthésiste fameux, Albert Fagioli. Ce dernier recense sur son blog ses nombreuses découvertes, tant régionales qu'internationales.
Visiter le blog d'Albert Fagioli.
Nous nous sommes donc rendus avec lui sur les lieux pour y faire d'intéressantes constatations...

La localisation par Fagioli des cryptes du château

L'emplacement des deux cryptes mises en évidence par le chercheur

Après avoir arpenté en tous sens le secteur où nous situons le château de l'Isle, et plus précisément l'angle de la forteresse situé au nord-ouest, Albert Fagioli a découvert deux cavités qu'il a matérialisées au sol par des jalons.
La première, au premier plan sur la photo, se positionne précisément à l'endroit où nous situons la chapelle.
Et la seconde, sous une partie du donjon ! cette partie étant matérialisée au cadastre avec le numéro 51.

Les deux cavités sont reliées entre elles par un souterrain de 9 mètres de long. Albert Fagioli estime un diamètre compris entre 6 et 7 mètres pour la crypte sise sous la chapelle, et donne une largeur de 5 à 6 mètres à la cave sise sous le donjon.

Concernant la crypte de la chapelle, il est fort possible qu'elle ne soit pas rigoureusement circulaire, mais plutôt de forme ovoïdale, voire peut-être même octogonale. Quant à la cavité sise sous le donjon, ou du moins sous une partie de celui-ci, ses dimensions s'expliquent par l'épaisseur des murs de la construction... Le plan cadastral nous donne une largeur d'environ 10 mètres pour ce donjon, ce qui correspond bien à une cave de 5 à 6 mètres de largeur épaisseur des murs déduite.

Le plan sommaire des découvertes d'Albert Fagioli.

Albert Fagioli nous signale en outre 3 départs de souterrains :

Le premier partant de la chapelle et se dirigeant vers le sud-ouest,
Le deuxième partant du donjon et se dirigeant plein ouest,
Et le troisième démarrant également du donjon et menant vers le nord.

Nous avons suivi ce dernier, qui se dirige vers l'ancien village de Greux, situé à environ 800 mètres de là. Nous imaginions la possibilité d'un souterrain menant vers la chapelle de Bermont, mais Albert Fagioli n'en n'a pas trouvé trace... Par contre, il a mis en évidence un souterrain sortant de cette chapelle et se dirigeant vers le nord-est. ( Brixey aux Chanoines ? )

Le château vu par Robida...

En savoir davantage sur Robida...

Revenons à l'étude de Georges Poull.

Georges Poull a rédigé de nombreux ouvrages d'archéologie sur sa région, (voir sa bio) et en particulier une étude fort complète sur les sires de Bourlémont.

Les deux tomes d'une fort intéressante étude.

vueaérienne Nottrope

Le même secteur de Notroppe avec ses divisions cadastrales.

On s'aperçoit aisément en comparant le plan ancien et le plan cadastral actuel que les divisions et les bornages ne correspondent absolument pas !

D'ailleurs, dans son second tome, l'auteur apporte un correctif au plan qu'il fournit au lecteur :

" Ce plan est désorienté, par suite d'une erreur de son rédacteur ; le septentrion devrait se trouver à gauche, lorsqu'on regarde de face ce plan, l'occident en bas, le midi à droite, et l'orient en haut ".

On s'aperçoit alors que Georges Poull est bien incapable d'expliquer l'incohérence du plan qu'il propose dans son ouvrage ! il imagine donc un correctif... en racontant simplement que le dessinateur a dû confondre le nord et le sud, et par là même, l'est et l'ouest !

Mais cela fait beaucoup d'erreurs sur un plan censé avoir été établi par des " arpenteurs jurés " qui rappelons-le, étaient les équivalents de nos géomètres-experts actuels !

Il paraît plus pertinent de penser que ce document a été réalisé par quelqu'un ne s'étant jamais rendu sur le terrain, et qui ne possédait aucune des connaissances requises pour être géomètre.

Serait-ce un plan de pure complaisance, destiné à égarer le chercheur ? il est pour le moins curieux que la seule archive concernant l'emplacement de cette construction daterait de 1562, alors que le château existe depuis le XIIe siècle.

Les traditionalistes devraient donc évoquer " une source tardive "...

Il serait intéressant d'analyser le support papier de ce document, pour en déterminer l'âge exact. De plus, alors que le château ne sera détruit qu'en 1587, Montaigne ne l'évoque pas lors de son passage à Domremy en 1581. La " maison natale " de l'héroïne qu'il visite alors n'est pourtant qu'à environ 150 mètres de la supposée forteresse du pré de Notroppe…et en vue directe !

Ce qui parait curieux ! Montaigne verrait une maisonnette de huit mètres de façade environ, pour ne point voir un château de plus de cent mètres à proximité... Cela dit, dans la mesure où l'actuelle "maison natale" a été bâtie en 1820, on voit mal ce que l'écrivain a pu visiter.

Une hypothèse templière ?

Pour certains auteurs, le château aurait pu être une construction templière... Rappelons que nos investigations nous amènent à envisager que la chapelle pourrait être bâtie selon un plan octogonal ! on retrouverait alors le même schéma de construction que la chapelle templière de metz, érigée entre 1180 et 1220.

La chapelle templière de Metz.

Nous nous sommes donc intéressés aux implantations templières de " Lorraine ", et en particulier à celles de l'évêché de Toul, et avons découvert qu'il est impossible aux spécialistes des Templiers de situer géographiquement deux des maisons de l'ordre, celle de Reusanville et celle de Baru (orthographiée également Barrois, Barri, Bru, Braux ou Breux ).
Alors pourquoi pas Greux..? il est de fait qu'il est fort possible de confondre un B et un G en écriture gothique sur un parchemin médiéval.
Nous allons donc interroger nos contacts de la région pour vérifier cette hypothèse.

L'actuel cadastre de Domremy-Greux nous renseigne utilement :

Nous nous sommes intéressés au cadastre du secteur ( limite entre Domremy et Greux ) et exposons à nos lecteurs les restes cadastraux du château de l'Isle. Les parcelles numérotées 51 et 52 représentant à notre avis le donjon...
Nous y trouvons là une construction quasiment rectangulaire ( les côtés opposés mesurent respectivement 9 et 10 mètres pour la largeur, et 19 et 21 mètres pour la longueur ) d'environ 190 m² au sol.

le cadastre laisse encore apparaître l'emplacement du donjon

Le plan cadastral du château de 'l'Isle

Quant à l'enceinte elle-même, nous l'avons sur le cadastre surlignée en jaune. Le quadrilatère obtenu fait 80 mètres dans la longueur, pour 42 mètres dans la largeur, ce qui nous donne plus de 3300 m² de surface pour la forteresse. Il est à noter que le quadrilatère déterminé ici n'inclut pas la basse-cour, qui augmenterait d'autant l'emprise au sol.

Le château de Rorthey

Le plan topographique du château, par Gérard Giuliato.

Le plan topographique du château, par Gérard Giuliato.

D'ailleurs, lorsqu'on s'intéresse à ce qu'il reste d'une forteresse voisine, celle de Rorthey, établie à la même époque, il apparait très clairement qu'on retrouve les mêmes caractéristiques d'implantation que pour celle de Domremy-Greux dont nous avons retrouvé les traces : en bordure de plateau, accessible par un long chemin aisément défendable, à proximité de plaines fertiles et de forêts !

vue aérienne du château de Rorthey,

Ci-dessus, vue aérienne du château de Rorthey, sur laquelle on aperçoit ce qui reste de la maison forte ; on remarque le chemin d'accès latéral, en contrebas des murailles.

Ci-dessous, la vue aérienne du site du Château de l'Isle, sur laquelle on constate qu'on a affaire au même type d'implantation, en bordure d'un plateau, avec un long accès latéral ! en pointillés jaunes, on a situé l'emplacement de la forteresse. Il est à noter que celle-ci se trouve en partie sur le territoire actuel  de Greux. La forêt dont on aperçoit une partie sur la droite de la photo est le " Bois Chenu ".

ch domremy

Et de plus, l'implantation du château de l'Isle sur la rive gauche du ruisseau des Trois Fontaines place la forteresse du même côté que la maison que Jeanne habita jusqu'en 1420, c'est-à-dire en terre champenoise, donc " française ".

Le pourquoi de cette mystification...

Nos lecteurs en effet s'interrogent, ( et nous interrogent ), sur son pourquoi... Pour nous, l'explication est assez simple... Si on nous sert la version du château dans le champ de Nottrope, c'est simplement parce que l'on sait qu'on ne va rien y retrouver...
Pas la moindre ruine, ni tas de pierres !
Aucune mise en évidence de substructures sur des photos aériennes !
Rien...
Ce qui nous suggère alors que le " château " n'était en fait qu'une palissade de bois entourant un fortin du même type... Un château paysan en quelque sorte...

Mais pourquoi ?

Comment imaginer notre " pauvre laboureur " devenir le locataire d'une forteresse ? si Jacques d'Arc et son épouse sont réellement les paysans que nous décrit la légende, on ne voit pas bien à quel titre ils deviendraient les locataires d'un véritable château après avoir été les propriétaires d'une masure... Au Moyen-âge, il existait un profond fossé entre la noblesse et les paysans... ( Et par ailleurs, notons que le bail met à la charge du preneur l'entretien total de la forteresse, y compris... les toitures... Ce qui doit représenter une dépense considérable, difficilement assumable pour le petit budget d'un paysan ! ).

Mais comme on ne peut nier le fait qu'ils ont bien pris à bail le château, ( puisqu'on a son contrat de location ), alors on va minimiser la bâtisse !

Et pour ce faire, on va bien entendu la localiser à un endroit où précisèment, il est impossible de construire " en dur "...
Et puisqu'on ne trouve strictement rien à Nottrope, c'est donc qu'il n'y avait rien, ou pas grand-chose !

Et les ruines sur les collines ?

Une autre question se pose alors...
Comment a-t-on pu ignorer les ruines médiévales qu'on retrouve au Chenoy ? des murs de 4 mètres d'épaisseur, qui courent sur plus d' une centaine de mètres... Des embases de tour, les traces de souterrains...

Cette façon de nier les choses semble une habitude chez les traditionalistes !
Ainsi à Neufchâteau ignore-t-on l'emplacement de la "maison de la Rousse", alors que dans l'église St-Nicolas, distante de moins de 500 mètres, on peut admirer une magnifique pieta provenant précisément de cette même maison !

Depuis la parution de cet article, des travaux de bornage ont été entrepris sur les collines de Domremy !
Et des barbelés posés en limite de la parcelle représentant l'assise du château...