Régine Pernoud et la "méthode historique"
Martial Cadiou, Janvier 2014.
Nul ne peut se risquer aujourd'hui au cas Jeanne d'Arc sans apercevoir le bout du nez de Mlle Régine Pernoud. Cette historienne médiéviste, passée par l’École des chartes, est à l'origine d'une dizaine d'ouvrages et d'articles sur la Pucelle et de la création du Centre Jeanne d'Arc d'Orléans. Son audience est telle que ses ouvrages peuplent toutes les bibliothèques de France et de Navarre . Son aura et sa tutelle sur les autres historiens johannistes sont donc considérables ; l'agora médiatique et éducative lui vouant un culte insensé et immodéré1 .
Égérie du "politiquement correct", elle figure l' "historiquement correct" pour reprendre l'heureuse formule de Jean Sévillia, historien-chroniqueur au Figaro.
Cependant, cette protestante, née en 1909 et morte en 1998, n'est pas sans quelques faiblesses voire tares épistémologiques et méthodologiques.
D'abord, elle se vante dans ses travaux de faire et produire de la vulgarisation historique (cf : R. Pernoud, la Villa Paradis p. 325).
Toutefois pour tempérer cet excès de zèle vulgaire (vulgus=peuple), il nous faut ici rappeler quelques vérités émises par le plus grand intellectuel français, René Guénon, pour qui la vulgarisation procède d'ailleurs d'un souci éminemment profane, et, comme toute propagande, elle suppose chez celui même qui s'y livre un certain degré d'incompréhension (…) ; le vulgarisateur déforme toujours les choses par simplification, et aussi en affirmant péremptoirement. (cf : René Guénon, chap. "Contre la vulgarisation" in "Initiation & réalisation spirituelle" Ed. Traditionnelles)
Si l'on souscrit à l'affirmation de Guénon, il faut reconnaître alors que Mlle Pernoud use de propagande en déformant la réalité historique par simplification excessive et en affirmant péremptoirement. De tout cela nous convenons. Propagande apologétique au service d'une Église de Rome devenue illégitime, suite à l'affaire du "Grand Schisme d'Occident". Sur ce point, le lecteur aura grand profit à étudier les ouvrages de Gérard Touzeau consacrés à l'antipape Benoît XIII et l’Église d'Avignon2 pour bien comprendre que Rome n' a aucun intérêt à éclaircir les tenants et aboutissants de l'affaire Jeanne d'Arc. Mlle Pernoud était-elle en service commandé ?
L' "historiquement correct" dont elle se veut l'ambassadrice est la marque de ces historiens frileux, lâches, imbus de la fausse supériorité qui sied à la camarilla universitaire, assujettie à la fameuse et fumeuse "méthode historique".
Encore ici, nous ferons appel au Pandit René Guénon, qui tient à nous rappeler que : Il semble bien, d’ailleurs, que l’emploi exclusif de certaines méthodes n’ait été imposé aux historiens modernes que pour les empêcher de voir clair dans des questions auxquelles il ne fallait pas toucher, pour la simple raison qu’elles auraient pu les amener à des conclusions contraires aux tendances "matérialistes" que l’enseignement "officiel" avait pour mission de faire prévaloir (…). (cf : René Guénon « Autorité spirituelle & pouvoir temporel » Ed. Véga).
Pour une démonstration détaillée des principes méthodologiques et épistémologiques de l'historiographie moderne nous conseillons la lecture de notre ouvrage intitulé "Le viol de Clio ou la subversion de l'histoire par l'historiographie moderne" Ed. Edilivre, 2011.
La critique portée dans notre pamphlet vise en premier lieu l' "École des Annales" et ses pères-fondateurs : Braudel, Bloch, Febvre , Chaunu, Le Goff, Furet, etc, mais notre assaut peut aussi s'étendre à la caste universitaire dans son ensemble, avec notamment l’École des Chartes1 d'où sortiront Mlle Régine Pernoud et consorts.
Toutes les productions historiques de Mlle Régine Pernoud relatives à Jeanne se révèlent viciées par sa soumission inconditionnelle à la "méthode historique". Soupçonnent-ils, tous ces historiens prétendument savants et redondants, que "la méthode historique" est le fruit d'une suggestion subtile d'une mystérieuse centrale occulte, hautement dissimulée, en charge d'une spirale involutive descendante?
Le Maître Guénon, encore lui, nous offre la clef. Dans sa conclusion de "l'Erreur Spirite" Ed. Traditionnelles, il peut écrire :
… il y a un véritable accaparement des études historiques au profit de certains intérêts de parti, à la fois politique et religieux ; nous voudrions que quelqu’un de particulièrement compétent ait le courage de dénoncer notamment, avec preuves à l’appui, les manœuvres par lesquelles les historiens protestants ont réussi à s’assurer un monopole de fait, et sont parvenus à imposer, comme une sorte de suggestion, leur manière de voir et leurs conclusions jusque dans les milieux catholiques eux-mêmes ; ce serait une besogne fort instructive, et qui rendrait des services considérables. Cette falsification de l’histoire semble bien avoir été accomplie suivant un plan déterminé ; mais, s’il en est ainsi, comme elle a essentiellement pour but de faire passer pour un« progrès », devant l’opinion publique, la déviation dont nous avons parlé, tout paraît indiquer que celle-ci doit être elle-même comme l’œuvre d’une volonté directrice. Nous ne voulons pas, pour le moment du moins, être plus affirmatif là-dessus ; il ne pourrait s’agir, en tout cas, que d’une volonté collective, car il y a là quelque chose qui dépasse manifestement le champ d’action des individus considérés chacun à part ; et encore cette façon de parler d’une volonté collective n’est peut-être qu’une représentation plus ou moins défectueuse. Quoi qu’il en soit, si l’on ne croit pas au hasard, on est bien forcé d’admettre l’existence de quelque chose qui soit l’équivalent d’un plan établi d’une manière quelconque, mais qui n’a d’ailleurs pas besoin, évidemment, d’avoir jamais été formulé dans aucun document ; la crainte de certaines découvertes de cet ordre ne serait-elle pas une des raisons qui ont fait de la superstition du document écrit la base exclusive de la « méthode historique » ?
Nous pensons que ce passage est tout indiqué pour le cas "Régine Pernoud" ! Nous y retrouvons l'influence pernicieuse de protestants dans la mise en place de la falsification de l'histoire par le moyen de la "méthode historique".
Le lecteur qui nous aura suivi jusque-là pourrait s'étrangler de notre outrecuidance à malmener cette figure tutélaire de l'épopée johannique et de son "fan-club", mais nous sommes de ceux qui pensent que Mlle Régine Pernoud jouit d'une aura imméritée et surfaite, et qu'il est enfin temps de la déboulonner de son piédestal devant lequel de trop nombreux historiens se sont révérencieusement prosternés !
Martial Cadiou
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notes
1 Mlle Régine Pernoud réussira par faire croire à presque tout le monde qu'elle est la détentrice et gérante de la marque déposée « Jeanne d'Arc ». Tous les pseudo-historiens, imbus de Jeanne, chercheront alors à se faire adouber par cette femme sectaire et propagandiste. >> retour au texte
2 Gérard Touzeau « Benoît XIII, le trésor du pape catalan » Ed. Mare Nostrum, 2010 et « Miseratione Divina : le Manifeste de Jean Carrier » Ed. Artège, 2012. >> retour au texte
3 L’École des chartes fut créée à la Restauration par la coterie protestante. Elle apparaîtra pour les Républicains comme un bastion de la réaction anticatholique. D'où un éloge de la philosophie des « Lumières » et une laïcisation d'une histoire soumise dorénavant à la fumeuse » méthode historique », véritable talisman brandi par toute une génération de pseudo-historiens. >> retour au texte
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