La bannière d'Orléans
La gravure sur bois que nous présentons ci-dessous représente une bannière de procession pour les fêtes de Jeanne d'Arc à Orléans. La bannière originale, que l'on pense avoir été donnée à la ville d'Orléans par le roi François Ier vers 1518, fut portée aux processions du 8 mai jusqu'à l'époque des guerres de religion, pendant lesquelles elle fut mutilée.
Reléguée à cette époque dans les greniers de l'Hôtel de ville, cachée pendant la révolution, et plus tard vendue avec de vieilles toiles, elle fut acquise par un savant collectionneur orléanais, M. Vergnaud-Romagnesi, et après la mort de ce dernier en 1870, achetée par la société archéologique d'Orléans.
Grâce à la scène représentée au verso, on a pu dater assez précisément cette œuvre ; en effet, certains des bâtiments représentés sur cette vue d'Orléans ont disparu au début du XVIe siècle ; on peut donc légitimement estimer que cette bannière a bien été peinte avant 1520.
Elle soulève un problème de poids quant à son interprétation : qui est donc le personnage central ?
Il est patent qu'au début de la Renaissance, il aurait été sacrilège
de représenter la " Vierge Marie " avec la poitrine dénudée. En revanche,
il était commun de représenter ainsi Marie Madeleine, la « prostituée »
des Evangiles.
D'ailleurs la femme au centre du tableau porte des
vêtements assez spécifiques, ainsi qu'une coiffe et des bijoux, et son
visage ne reflète ni la douleur, ni l'humilité de l'iconographie
classique de la mère de Jésus.
L'enfant qu'elle porte sur ses genoux semble déjà assez âgé et il passe au doigt du personnage masculin agenouillé un anneau, ce qui n'est pas sans rappeler une cérémonie de mariage... ( alchimique ? ).
D'ailleurs, qui est cet homme ? c'est un souverain, mais lequel ? on aurait pu envisager le roi de France Charles VII, mais ce visage ne présente aucune ressemblance avec les portraits de ce roi qui nous sont parvenus.
Par contre, il ressemble fortement à René d'Anjou, qui fut " intimement " lié à l'épopée de Jeanne.
Cette œuvre est attribuée, mais sans données certaines, à Léonard de Vinci, qui habita Amboise de 1515 à sa mort en 1519. Il faut se souvenir que le même Léonard de Vinci peignit une Marie Madeleine qui n'est pas sans rappeler le personnage central de la bannière.
On expose de nos jours au musée d'Orléans une bannière présentant quelques ressemblances, en bon état, et qui a subi de nombreuses retouches. La composition générale du tableau est la même, un personnage féminin central assis, tenant un enfant sur ses genoux, entouré de deux personnages religieux, et deux sujets en armure agenouillés au premier plan.
On note sur cette peinture l'absence du casque qui était posé aux pieds de Jeanne sur l'original.
Mais les visages sont modifiés, ainsi que de nombreux détails. On a ainsi " masculinisé " le bébé !
Le bébé a maintenant les tempes dégarnies...
Et surtout, le personnage central est rhabillé ! la poitrine est cachée, et la femme peinte ici possède un visage plus sévère, plus compassé que sur la lithographie.
Un visage souriant devient triste...
D'autre part, même si ce personnage est assis sur chacun des deux tableaux, on peut aisément remarquer que la façon de s'asseoir a été modifiée. Et ce qui peut passer pour un détail aux yeux du profane, prend ici une dimension toute particulière…
Au départ, c'est le genou gauche qui s'avance, et maintenant, c'est le droit !
La " vierge " de la lithographie met en avant son genou gauche, alors que dans le tableau retouché, c'est l'inverse... Curieux, non ? en quoi la façon de s'asseoir d'une Madone aurait-elle une influence sur la foi chrétienne, au point de devoir modifier ce tableau...?
Enfin, il faut savoir que la bannière, lors de sa découverte a été minutieusement décrite par Mantellier ( 1880 ). Il fait mention sur la bannière originale, et c'est là un point crucial, de la présence aux pieds de Jeanne, d' « un casque à visière, posé à même la terre » .
Or, sur la toile du musée d'Orléans, ce casque a tout bonnement disparu !
On peut donc en conclure que cette dernière n'a rien à voir avec la réelle bannière de procession que l'on promenait dans Orléans lors des fêtes de commémoration de la délivrance de la ville ; on en a donc fait une copie, plus en accord avec ce que l'on veut faire accroire qu'avec la réalité.
La bannière dont nous présentons la reproduction lithographique, vraisemblablement peinte par Léonard de Vinci rappelons-le, met en scène à notre avis la bénédiction par l'enfant de Marie Madeleine ( ...donc celui de Jésus ) du mariage alchimique de Jeanne et René d'Anjou.
Il existe d'ailleurs, dans un village de Meuse, proche de Domremy, une petite chapelle abritant elle aussi une statue de Marie Madeleine portant un enfant sur son bras.
Or, en détaillant la photo, il est aisé de constater que l'enfant que l'on prend habituellement pour Jésus, est en fait une... fille !
L'enfant de Marie Madeleine est une fille !
Il était intéressant, écrivions-nous autrefois dans cet article, d'identifier les deux religieux également représentés ! la version officielle y voit les saints protecteurs de la ville d'Orléans...
Mais en recherchant dans l'excellent ouvrage de Jacques Baudouin, " le grand livre des saints ", nous avons trouvé des concordances frappantes entre les personnages mis en scène sur la bannière d'Orléans, et les représentations connues de certains personnages de l'hagiographie catholique.
Ainsi le personnage de gauche ressemble-t-il fortement à saint Nicolas !
Et celui de droite à saint Thébaut ( ou Thibaut, ou Théobald ) dont nous publions la photo de sa principale statue, tirée du même ouvrage que précédemment.
Rappelons à nos lecteurs que ces deux personnages sont les saints patrons de la Confrérie des " Bons .'. Cousins .'. Charbonniers " ...
Quant à celui figurant René, nous en avons trouvé une représentation concordante et datant de la même époque que la bannière d'Orléans...
Et qui plus est notre personnage arbore sur la manche droite da sa huque les armes de la maison d'Anjou, le lambel et la fleur de lys !
Bien plus tard, René, devenu le " Bon Roi René ", obtiendra du pape l'autorisation de rechercher le tombeau de Marie Madeleine, dans le Sud de la France, recherches qui semble-t-il furent couronnées de succès...
Il faut savoir qu'au Moyen-âge, le culte de Marie Madeleine était très répandu et la plupart des édifices religieux ( dont les plus importants ) étaient consacrés à ce personnage " mystérieux " des Evangiles. Ce n'est que par la suite que l'Eglise décida de la reléguer au second plan ; on expliqua alors que les " vierges noires ", particulièrement nombreuses dans les édifices religieux, n'étaient que des statues de la vierge Marie ( la mère ) dont le visage avait été noirci " par la fumée des cierges " qu'on lui offrait !
Mais ces " vierges noires " demeurent aisément identifiables par l'initié. A la différence des statues figurant la mère de Jésus, celle-ci représentent une jeune femme plutôt souriante, bien vêtue, de rouge sur les statues polychromes ( au lieu que de bleu et blanc... ) , avec des cheveux bien visibles et abondants, portant un enfant plus âgé qu'un nourrisson, et munies parfois d'un sceptre et d'une couronne ( " royale " ). De plus, l'enfant qu'elles tiennent dans leurs bras a des aspects très féminins !
Elles présentent également, en général, des seins généreux, par opposition à la " vierge Marie " à la plate poitrine... Et lorsqu'elles sont assises, mettent en avant leur genou gauche...
Ci-dessus, une statue de Marie Madeleine contemporaine de Jeanne des environs de Vaucouleurs ; on peut distinguer la chevelure abondante et libre, la couronne, l'aspect riant du visage, les riches atours, ainsi que la généreuse poitrine...
Tout au long de son épopée, on voit Jeanne fréquenter des édifices religieux voués au culte de Marie Madeleine, à commencer par l'ermitage de Bermont, qu'elle fréquentera pendant la seconde partie de sa jeunesse, et où se trouvait à l'époque une magnifique statue, aujourd'hui exposée dans la " crypte " de la basilique de Domremy la Pucelle.
D'ailleurs, il existait en la crypte de l'église de Dieulouard, un autel représentant sensiblement la même scène que la bannière d'Orléans, à savoir Jeanne orante à droite, un homme en armure debout en face d'elle et, les observant, " Notre Dame des Grottes ", Marie Madeleine portant un enfant sur les genoux.
Les statues ornant cet autel avaient disparu depuis près d'un demi-siècle, hormis celle de la " vierge en terre " ; mais récemment, elles ont été miraculeusement redécouvertes et, restaurées par un artiste lorrain, elles ont retrouvé la place qui leur était due, dans la salle d'accueil du musée de Dieulouard, sise en le château de cette commune.
Concernant le pèlerinage à saint Nicolas, dans lequel les auteurs
classiques ont voulu lire " Saint Nicolas de Port " ( localité de Meurthe et Moselle située entre Nancy et Lunéville ), il existe une autre hypothèse, évoquée par Mr Lebrun des Charmettes
et par l'abbé Barthélémy, qui considèrent qu'il s'agit en fait du
lieudit de saint Nicolas de Septfonds, proche de Vaucouleurs.
Il existait à l'époque à cet endroit un monastère dédié au saint.
Tandis qu'a existé également, aux environs de Dieulouard, un ermitage de saint Nicolas, qui aurait possédé une relique de Marie Madeleine, offerte aux moines par Dagobert II, le roi d'Austrasie assassiné à Stenay. C'est à notre avis l'hypothèse la plus plausible que celle de la visite de Jeanne en ce lieu, dans le village de Rosières en Haye.
Voici ce qu'écrit Gustave Clanché, ancien curé de Dieulouard, dans son opuscule intitulé " le séjour de Jeanne d'Arc à Dieulouard "
" Il y a une quarantaine d'années, lors de la rectification d'une grand' route à l'entrée de Rosières en Haye, et sur l'emplacement de l'ermitage de St Nicolas, appartenant à M. Ch. Mansuy, maire de la localité, les ouvriers mirent à jour, sur le vieux chemin de Dieulouard, un fragment considérable d'un crâne de femme, avec l'inscription suivante, sur plaque de plomb et en caractères majuscules de la fin du XIIe siècle " .
Il est à noter que l'on ne trouve aucune trace de cette découverte ! ni le morceau de crâne, ni le couvercle du reliquaire ne sont répertoriés...
Mais pourquoi essaie-t-on de nous faire accroire à cette théorie de la visite de Jeanne à Saint Nicolas de Port, au lieu de Saint Nicolas de Rosières en Hayes ? il nous semble que les contemporains de Jeanne étaient plus au courant de ses actes que les tenants de l'histoire officielle de nos jours. En fait ce qui les dérange -- ainsi que l'Eglise --, c'est le culte que Jeanne vouait non point à la mère de Jésus, la " vierge " Marie, mais à celle que l'on nomme pudiquement Notre Dame sous terre, ou bien Notre Dame des Grottes, en fait Marie Madeleine...
Alors on trouve un subterfuge en ne relevant que la dévotion de Jeanne pour Nicolas, en oubliant que le saint en question sent également le soufre, car il est l'un des patrons du mouvement " charbonnier "...
En Lorraine, tout le monde connait son inséparable compagnon, le Père Fouettard, généralement représenté par un homme vêtu de noir, au visage noirci par le charbon... Simplement un " charbonnier " !